Au Nord-Est de l’Espagne, entre Barcelone et Valence, à une quarantaine de kilomètres à vol d’oiseau de la Méditerranée, des montagnes étendent leur silence.

 

Battue par les vents et les neiges d’hiver –il peut neiger plus de deux mètres en une nuit-, écrasée par les soleils et les orages d’été –le thermomètre monte souvent au-dessus de quarante degrés pour s’écraser en quelques minutes-, la Tinença de Benifassa s’épanouit en une zone montagneuse d’une trentaine de kilomètres sur vingt-sept.

 

La Tinença de Benifassa est un lieu mythique. Un décor de cinéma.

 

Sept villages en composent la vie des humains. Je les cite. En catalan. Comme les chapitres d’une religion ancestrale. Il y a La Pobla de Benifassa (altitude 700). Il y a El Ballestar (altitude 715). Il y a Bel (altitude 960). Il y a Fredes (altitude 1090). Il y a El Boixar (altitude 1089). Il y a Castell de Cabres (altitude 1129). Il y a Coratxa (altitude 1238).

 

 

Ici, il n’y a rien. J’allais mentir. Il y a les aigles. Il y a les vipères. Il y a les chèvres, les moutons et les ânes. Il y a le soleil qui se lève et se couche –dans un noir qui donne aux étoiles toutes leurs audaces. Parfois, l’un ou l’autre cri de vautour rappelle au nom de Cabrera. Parfois, l’un ou l’autre roulis de pierre rappelle au son d’un fusil, des mouvements de troupes, des hennissements de chevaux.

 

Les montagnes de la Tinença de Benifassa constituent un immense cirque naturel. C’est ici que Ramon Cabrera s’est réfugié. Avec une poignée d’hommes d’abord. Ils étaient une douzaine. C’est ici, dans la Tinença de Benifassa, qu’il a édifié son projet de régner sur l’Espagne et qu’il a construit une armée de 30.000 hommes en l’espace de cinq années. De 1835 à 1840.

 

Ami, lorsque tu t’engages, aujourd’hui, dans la Tinença de Benifassa, lorsque tu oses les centaines de lacets qui bordent les précipices, tu ne connais rien de l’histoire de Ramon Cabrera. Ici, le gringo que tu es passe à côté de l’Histoire. Rien ne parle de Cabrera et des douleurs de l’Espagne. Et pourtant, ici, tout parle de Cabrera et des douleurs de l’Espagne. Chaque pierre, chaque mas, chaque fontaine, chaque rocher, chaque chemin se souvient. Ici, les anciens qui vivent encore dans ces villages savent les lointaines histoires que leurs aînés leur ont racontées, jadis.

 

 

Ici, un promeneur a récemment trouvé, dans un mas dont je ne dévoile pas le nom, une tuile avec une inscription : « Cuartel Norte ». Cette tuile renseignait la « Caserne Nord » créée sur les hauteurs de Castell de Cabres par Ramon Cabrera. En 1835. Il y a 175 ans. 

La première édition de l'Atelier Cabrera (2014-2015) fut un réel bonheur. Juin 2015, les participants peaufinent la mise en page du recueil de leurs textes en tous points magnifiques. A paraître dans les semaines à venir. Le bonheur vécu lors de l'Atelier 2014-2015 m'invite à reconduire la démarche en 2015-2016.